Nos prisons rend compte, à travers un montage de textes et d'images, du travail mené durant trois ans par Maxence Rifflet avec des détenus. Il est ponctué de « documents » anonymes et d'oeuvres artistiques concernant les prisons, rassemblés au fil de cette recherche.
Au départ du projet, il y avait une question : comment photographier dans un espace de surveillance sans le redoubler, comment cadrer sans enfermer ? La première réponse a été de ne pas s'intéresser à l'enfermement en général, mais à des lieux particuliers : photographier des prisons, plutôt que la prison.
Les cinq premières, où Maxence Rifflet a mené ces ateliers, évoquent une longue histoire architecturale : de la petite maison d'arrêt de Cherbourg datant de 1827 à la maison centrale « ultra-sécurisée » de Condé-sur-Sarthe inaugurée en 2013, en passant par les prisons de Caen, Rouen et Val-de-Reuil dont la construction s'étend sur un siècle et demi. Conçu après Mai-81, la centre de détention expérimental de Mauzac en Dordogne se compose de bâtiments autonomes entre lesquels on peut circuler. À l'inverse, la maison d'arrêt de Villepinte, en région parisienne, illustre les restrictions spatiales induites par une surpopulation permanente.
Néanmoins, l'architecture carcérale n'est pas uniquement le sujet de ce travail ; elle est aussi le lieu où il s'est élaboré : il s'agissait de photographier non seulement des prisons, mais en prison, sans nier les contraintes que cela suppose et en collaboration avec les détenus.
Aussi, Nos prisons constitue d'abord le récit d'une expérience subjective, quoiqu'indissociable des photographies réalisées en commun. Maxence Rifflet raconte les lieux et les usages qu'il découvre, ses échanges avec les prisonniers, les relations avec l'administration, ou encore ses rencontres avec Robert Badinter, initiateur de la prison de Mauzac, avec Christian Demonchy qui en fut l'architecte avant de construire celle de Villepinte.
Le titre, dans sa simplicité, expose une dualité : nos prisons, car elles sont partie intégrante de la société où nous vivons, que nous en sommes responsables ; mais nôtres aussi, parce qu'elles semblent procéder d'une logique fatale et s'imposer à nous. En donnant une vision inédite des prisons en France aujourd'hui, ce livre engage à s'affranchir des représentations abstraites qui nous empêchent d'en imaginer même la transformation.