Drôle d'époque, où plus aucune autorité ne résiste à la contestation.
L'autorité de la famille ? À peine arrivés au cours moyen, bien des enfants imposent leur loi à des parents dépassés. Celle de l'école ? Des gosses de primaire insultent leurs enseignants et, au collège, ils les bousculent, voire pire. L'autorité de l'État ? Des députés n'hésitent pas à remettre en cause l'intégrité du Conseil constitutionnel, la juridiction chargée de vérifier la conformité des lois avec la Constitution, parce que ses avis ne répondent pas à leurs souhaits. D'ailleurs, ils sont de plus en plus nombreux à réclamer haut et fort un changement de Constitution.
Partout, l'autorité institutionnelle est en reflux : dans les communes, des maires sont régulièrement menacés, voire maltraités, par des concitoyens mécontents. « L'autorité de la chose jugée » ? Une notion de plus en plus discutée. De même que la présomption d'innocence. Le travail du juge comme du policier tend à être nié par le tribunal populaire. À l'heure de la « post-vérité* », même la certitude scientifique est sur le gril. Un et un ne font plus deux, mais trois si « c'est mon grand frère qui l'a dit ».
Seule vérité qui vaille, celle de l'opinion et de l'émotion. On ne croit plus au père, au prêtre ou au prof, mais aux vociférations d'un imam autoproclamé, aux fake news répandues par les réseaux sociaux, aux accusations non vérifiées. L'autorité a changé de canal. La faute à qui ? À la soif d'égalité, qui, en démocratie, a fini par remettre en question toutes les hiérarchies, celles du pouvoir, du savoir, de la religion et même de l'âge. Tocqueville avait prédit ce triomphe dès 1835 : il est aujourd'hui total. Mais là n'est pas la seule raison. Car sont responsables également tous ceux qui, détenteurs d'une autorité, en ont abusé. La faute aussi à ceux qui, par démagogie, ont renoncé à leurs responsabilités. Pourtant, on ne peut pas vivre sans une autorité qui protège, éduque et permet de grandir. Cette autorité-là ne se décrète pas, ne se négocie pas ; elle s'impose uniquement si on la reconnaît. Encore faut-il avoir le courage de l'assumer, et la capacité à l'accepter. Question de confiance ? C'est à cette réflexion que nous invite ce Point Références, avec, comme « paroles d'autorité », celles de Platon, Augustin, Locke, Rousseau, Arendt et beaucoup d'autres.