Ce volume présente le premier recueil de Verlaine avec une analyse nouvelle des documents manuscrits et imprimés, mais aussi une étude de la construction du recueil. Avec leur mélange complexe de lyrisme et d'ironie, ces textes montrent un poète qui fait partie de la nébuleuse parnassienne, tout en cultivant des valeurs, esthétiques et éthiques, qui s'écartent de l'image que l'on s e fait généralement du Parnasse. L'implicite au coeur de cette oeuvre exige la prise en compte du contexte historique et culturelet la mise en évidence de ses audaces formelles, sémantiques et idéologiques.
« Je partis pour l'Orient, et j'y promenai deux ans mon inquiétude dans la Turquie, dans la Terre sainte, dans la Syrie, dans le Liban. Je revins. » Pérégrination d'un poète qui voyage en humaniste, sans préjugé négatif envers l'Islam, à un moment charnière pour l'Empire ottoman, menacé par les troupes égyptiennes. Périple révélateur du rôle déterminant de l'Orient dans l'oeuvre d'une des plus grandes figures littéraires et politiques du XIXe siècle.
Cette thèse de doctorat, consacrée aux lettres écrites par Diderot à sa maîtresse Sophie Volland entre 1759 et 1774, suivant l'édition controversée mais sensible d'André Babelon (1930), apporte un regard nouveau sur la genèse de cette correspondance et les ambitions poétiques qui la traversent. Elle s'intéresse à l'effort de l'écrivain pour fonder un langage radical, libre de tout faux-semblant, enrichi d'un projet quasi scientifique visant à enregistrer "chaque mouvement du coeur". Elle évoque sa force érotique jusqu'à l'impossible fusion, selon le paradoxe propre à toute correspondance. Elle présente enfin ces lettres comme un lieu d'expérimentation : portraits, réflexions, conversations, tableaux, paysages, promenades, tous ces essais rendent compte de la diversité du vivant, obsession qui justifia l'omniprésence de la forme épistolaire dans la pensée et l'oeuvre de Diderot.
Cet ouvrage entend montrer pourquoi et comment la doctrine politique de Rousseau développe un sens nouveau de l'attachement descitoyens à une république devenue patrie. Cet attachement, bien marqué par l'exigence de "dénaturation", excède l'analyse des conditions et des effets du pacte social. La nature humaine peut être altérée et recevoir de nouveaux principes d'action grâce aux quels elle réagit à ce qui affecte la vie du corps social. L'idée de patrie est ainsi replacée au croisement d'uneréflexion sur les principes du droit politique et d'une problématique de l'appartenance liée à une théorie des passions délivrant un art d'agir sur les hommes.
Grand siècle du roman par le nombre d'ouvrages publiés, le XVIIe siècle voit l'essor de ce genre en même temps que sa théorisation : des préfaces des Scudéry au Traité de l'origine des romans (1670) de Huet, des stratégies concertées visent à convaincre religieux, doctes et mondains de la valeur morale et pédagogique du roman ainsi que de sa soumission à des règles. Les mut ations formelles qui caractérisent les années 1660 sont alors mises au compte d'un changement de genre : le roman héroïque ou grand roman cèderait la place à la nouvelle ou petit roman. La séparation radicale entre les deux formes fait l'objet d'un consensus, inscrit dans l'histoire littéraire à partir du XVIIIe siècle. Cet ouvrage se propose d'étudier la conception du roman durant tout le siècle à partir des discours formulés à son propos ; qu'ils attaquent, défendent ou codifient le roman, tous contribuent à l'instituer en genre littéraire.
Le répertoire troubadouresque comprend un corpus de dix-neuf chansons, composées entre la fin du XIIe et le XIVe siècle, que latradition classe dans le genre alba. Ici sont rassemblées des compositions assez variées - poèmes religieux, textes érotiques, où le "je" qui chante n'est pas toujours une voix d'homme, où le chant exprime des sentiments divers - mais qui, chacune à sa façon, célèbrent ou déplorent l'arrivée du jour. Ce corpus petit mais important caractérise autant que les nombreuses cansos l'art lyrique de l'Occitanie médiévale. Cette édition critique est précédée d'une étude du genre qui permet de mieux comprendre le statut des albas dans le système poétique des troubadours. Les manuscrits n'ont conservé, avec les dix-neuf te xtes, que deux mélodies. Le volume comporte une étude de cette musique.
L'exotisme littéraire change de visage au XXe siècle. Ce glissement est la résultante d'une rupture épistémologique et de l'abandon, très progressif, de postulats évolutionnistes réducteurs. Le primitif, cette figure jadis lointaine et anonyme, devient, au gré de ce face-à-face imposé que constitua l'impérialisme, le co-lecteur d'une culture qui s'élabora aussi dans la me sure de l'autre. Nourri par la mouvance critique postcoloniale (Edward Said, Frantz Fanon, V.Y. Mudimbe), ce livre ambitionne de rendre compte de cette évolution à partir d'une double contiguïté. D'abord, le voisinage, géographique mais aussi intellectuel et culturel, de la Belgique et de la France ainsi que leurs colonies subsahariennes (Congo, A.O.F., A.E.F.) ; ensuite le dia logue implicite qui s'amorce entre l'africanisme - savoir qui se développe sous les auspices du Musée de Tervuren et du Musée de l'homme - et une pratique littéraire explicitement ethnographique. Pour interroger ces liens, l'ouvrage convoque un corpus hétéroclite de textes - romans, récits de voyage et reportages - parus pendant l'entre-deux-guerres et issus d'auteurs tout aussi di vers. Premièrement, des écrivains consacrés par l'establishment colonial : Herman Grégoire et Henri Drum ; deuxièmement,des figures "pléiadisées" : Gide et Simenon et, finalement, ces précurseurs de la francophonie africaine que furent René Maran et Paul Hazoumé.
La correspondance de Stendhal a fait l'objet d'une révision méticuleuse et d'une amplification importante à l'occasion de sa réédition en six volumes aux éditions Champion entre 1997 et 1999. C'est un vaste ensemble qui s'est ainsi trouvé constitué. Le recueil d'essais, Sur la correspondance de Stendhal, entend, à partir de cette nouvelle édition, ouvrir une réflexion neuve sur de multiples aspects de la vie et de l'oeuvre d'Henri Beyle, ainsi que sur la correspondance même. Celle-ci se caractérise par la diversité des thèmes et des sujets, des postures et des tons, des sentiments et des affects. Elle permet encore de préciser, à partir de Stendhal même, les liens du littéraire et du social, la vision masculine, et, au total, de saisir Stendhal sur le vif, en train de penser, de travailler, d'écrire, de vivre, un Stendhal singulier, en constante métamorphose, construisant une oeuvre à sa mesure, et construite par elle.
Ce livre est né de la confrontation de deux interrogations. La première est dramaturgique. Les hommes ont toujours entretenu avec la représentation animale des rapports privilégiés. Le chaman autour du totem avait été une première étape de mise en spectacle avec la danse sacrée, les cérémonies claniques, etc. Le théâtre, et surtout la tragédie, semble avoir pris naissance autour de ces manifestations où l'animalité tenait un rôle indispensable. Que restait-il au XVIIIe siècle de cette présence animale dansles arts du spectacle ? La seconde est plus philosophique. Quelle pouvait être l'influence, sur la représentation collective del'animal, de la polémique, centrale dans la pensée du XVIIIe siècle, qui se développait autour de la question de la sensibilité animale, du langage et de l'âme des bêtes ? Comment ce nouveau statut de l'animal se traduisait-il en littérature, dans les arts de représentation, en particulier dans les arts de la scène ? Quelques pièces scientifiques et didactiques apparaissent alors.Des oeuvres utopiques partiellement ou complètement animalières anticipent d'autres modes de représentation. Le XVIIIe siècle n'e st pas seulement le siècle du théâtre, il est aussi pour une modeste part celui de l'animal comme sujet d'étude et de réflexion. De la scène, il interpelle le public pour faire prendre conscience de son importance, de son statut et de son destin dans la société et dans les arts.
Les craintes que les nouvelles générations suscitent au tournant du siècle donnent naissance à de multiples mises en discours de la jeunesse. Leur analyse révèle une crise oubliée du champ littéraire et l'émergence d'une nouvelle conception de la valeur littéraire. Du fait du développement de la politique scolaire, l'écrivain est en effet contraint de prendre position vis-à-vis du pédagogue et de situer ses oeuvres vis-à-vis des attentes ouvertes par l'enseignement des lettres, ce que signalent les débats qui se développent autour de la question de la "jeune littérature".
La théâtralité des romans de Sade provient en grande partie de l'agencement des descriptions, autrement dit de la technique du tableau et de la configuration des listes de passions, souvent comparables à des scénarios ou à de longues didascalies. Elle crée des images dans le récit selon des procédures taxinomiques, esthétiques et rhétoriques qu'il importe d'interroger. La proximité ou l'interaction chez Sade des genres dramatique et romanesque, renforcée par les nombreuses références à la peinture, ressortit à la doctrine de l'ut pictura poesis, encore vivace à la fin du XVIIIe siècle.
Utiliser l'isotopie picturale pour décrire la représentation littéraire, et à l'inverse l'isotopie verbale pour parler de peinture, est une pratique très courante au XVIIe siècle. Il semble même que ce soit le biais privilégié d'un métadiscours critique, et que chacun des deux arts ait largement recours à l'autre pour dépasser une mimèsis toute puissante. L'objectif de cette étude est de montrer que cette pratique du " détour " par un autre art, loin de s'en tenir à de simples transferts métaphoriques validés par la théorie de l'ut pictura poesis et le topos des deux soeurs rivales, témoigne d'une réflexion globale sur la représentation, qui apparaît alors comme fondamentalement intersémiotique.
Cette étude porte sur la grande transformation que subit la notion classique de clarté dans les discours philosophique, grammatical, théologique, rhétorique et poétique à la fin du XVIIe siècle, transformation qui remplace le clair-distinct des idées innées par le clair-confus des idées sensibles. C'est à partir de là que se déploie dans un second temps l'analyse de l'écriture de Marivaux.
Le XVIe siècle est un moment décisif dans les relations de l'Europe avec l'orient musulman, entre d'une part la permanence des réminiscences médiévales, de la représentation de l'Infidèle, de l'idéal de reconquête et, de l'autre, la rupture qui s'opère entre catholiques et Protestants, frères ennemis face à la menace grandissante de l'Empire ottoman. Le berceau du christianisme, Jé rusalem et la Terre Sainte, est le lieu paradoxal d'une communion de la foi des Chrétiens déchirés, sous le joug du puissant maître des lieux, et invite à des récits passionnants. Ce volume illustre la richesse de ces témoignages en réunissant cinq texteschoisis dans cette perspective : un guide de pèlerinage italien, le récit du voyage d'un aristocrate allemand capturé par les mu sulmans, le pèlerinage d'un illustre maître de chapelle espagnol, le long récit d'un franciscain portugais et les étapes orientales d'un voyageur anglais.
Ce volume rassemble une vingtaine de contes parodiques publiés entre 1738 et 1755, pour la plupart sous le couvert de l'anonymat et dans la clandestinité. Fougeret de Monbron, l'abbé de Voisenon, Chevrier, La Morlière, Bibiena, Cahusac, Boissy, Bret ou Baret ne sont pas toujours connus pour être des auteurs de fictions, certains ayant pratiqué le théâtre, la poésie, voire le pamphlet. Leur statut d'écrivain varie de la reconnaissance académique à la vie d'aventurier, et une seule femme, Mme Fagnan, semble avoir sacrifié à cette mode du conte parodique et licencieux. Comme le persiflage, la parodie fait partie de l'esprit du siècle qui, en se réclamant des modèles d'Hamilton et de Crébillon, prend ses distances avec le merveilleux. L'écriture du conte devient un jeu qui permet de broder sur des canevas antérieurs tout en provoquant le lecteur à la fois faussement naïf et complice. Le merveilleux s'exténue, le genre se dérègle dans ses formes et dans sa morale. La liberté est aussi celle des moeurs. La sexualité, montrée tantôt de manière gazée tantôt de manière obscène, va de pair avec l'exercice du pouvoir politique sur lequel on s'interroge. Le conte, en s'ouvrant au tableau de la jouissance, tend au lecteur un miroir qui reflète toutes les modes. Ces bagatelles, qui s'ouvrent à l'esprit des Lumières, nous apprennent donc beaucoup sur leur temps dans un style plaisant qui contribue grandement au charme de la lecture.