Au fil du dernier millénaire, le français est devenu progressivement langue des idées, idiome véhiculaire pour les savants, penseurs, idéologues, poètes, écrivains ou artistes. L'invention, la créativité qui sont le fait de Montaigne, Pascal, Leibniz, Pasteur, Simenon, Beckett... sont affectées, au minimum, d'un dénominateur commun, à chercher du côté des mots sinon des notions. En français dans le texte est donc un hommage, mais nullement chauvin, à la culture d'une certaine nation dans sa modalité linguistique. Ce panorama, qui embrasse ' 400 oeuvres, est le fruit d'un choix réfléchi à plusieurs. Il ne prétend ni à l'exhaustivité ni à une objectivité chimérique. La période couverte s'étend des Serments de Strasbourg (842), premier texte conservé en langue romane, jusqu'au début des années 1960. Pour la plupart, les livres choisis matérialisent une découverte, une innovation, un apport inédit dans les domaines du savoir et de l'expression : Descartes, Condorcet et Tocqueville cheminent ainsi avec Rabelais, Céline et Queneau. D'autres trouvent ici leur place par leur qualité de miroir d'une époque, d'une sensibilité, ou par leur dimension mythologique : l'indémodable Madame de La Fayette, Chateaubriand, Hugo, Breton... Parmi les grandes expositions de la Bibliothèque nationale, " En français dans le texte. Dix siècles de lumières par le livre " a fait date. Grâce à la générosité de Monsieur Philippe Zoumeroff, le catalogue qui accompagnait cette exposition en 1990, et qui était épuisé depuis longtemps déjà, est aujourd'hui réimprimé. Puisse ce monument de type encyclopédique, auquel ont collaboré plus de 220 auteurs de haute volée, trouver sa place dans la bibliothèque de tous les curieux, amoureux de la langue française. Loin d'un regard nostalgique porté sur un âge d'or, En français dans le texte constitue bien plutôt un pari sur l'avenir du livre comme réalité vivante.
Pour la plupart, l'Enfer de la Bibliothèque s'entend comme une légende, un fantasme, le territoire majeur de l'interdit qui alimente en retour toutes les curiosités. C'est le lieu fermé où l'on tient les livres dont on pense que la lecture est dangereuse.
Historiquement c'est dans les années 1830 que les ouvrages imprimés réputés " contraires aux bonnes moeurs " et publiés sous le manteau sont séparés du reste des collections de la Bibliothèque royale. Ils furent ainsi rassemblés afin de constituer une section à part intitulée Enfer. Il en alla de même des estampes.
Évoquer l'Enfer de la Bibliothèque, c'est donc entrer dans la littérature telle qu'on ne l'a pas apprise, lire des textes et regarder des images que la morale réprouve, que les institutions ont longtemps pourchassés et condamnés. C'est entrer dans le monde de l'anonymat, du pseudonyme, des fausses adresses, des dates trompeuses, des éditeurs clandestins, des lieux clos, celui des couvents, des boudoirs, des bordels, des prisons mais aussi des bibliothèques.
Ni histoire de l'érotisme proprement dit, ni histoire de la censure, ce catalogue vise à donner un aperçu de ce que la Bibliothèque nationale conserve au gré des saisies policières, des dons, des acquisitions et plus récemment du dépôt légal. Il propose un double parcours : le premier concerne l'histoire - comment l'Enfer s'est-il constitué ? - le second offre une déambulation à travers le contenu de l'Enfer. On trouvera, au-delà de l'évocation de quelques grandes figures - Sade, Apollinaire, Louÿs, Bataille - les portraits de bien des hommes et femmes ignorés, acteurs anonymes de la célébration de l'érotisme et du sexe entre le XVIe et le XXe siècle.
Exposition à la Bibliothèque nationale de France, site Tolbiac, du 4 décembre 2007 au 2 mars 2008.