Obéissant à l'oracle, Oedipe résout l'énigme du Sphinx, tue son père et épouse sa mère. La peste s'abat sur Thèbes qui a couronné un inceste et un parricide. Quand un berger dévoile la vérité, la machine infernale des dieux explose. Oedipe se crève les yeux et sa mère se pend.
S'inspirant du théâtre de Sophocle, Cocteau redonne vie aux grandes figures grecques : Oedipe, Jocaste, Antigone et Créon. Il philosophe en virtuose. Non, l'homme n'est pas libre. Il naît aveugle et les dieux règlent sa destinée. Même le héros, celui qui sort du rang, doit se soumettre. Ce grand texte dit tout sur l'homme avec infiniment d'humour et de poésie.
Notes et commentaires de Gérard Lieber.
À la sortie du lycée Condorcet, Paul est terrassé par une boule de neige lancée par son idole, Dargelos, le coq du collège.Trop faible, il n'ira plus en classe, sa soeur Élisabeth le soignera dans leur chambre, navire imaginaire qui, tous les soirs, appareille pour des contrées lointaines.
Ni Gérard qui aime Élisabeth, ni Agathe qui aime Paul n'empêcheront le frère et la soeur de s'adorer et de se déchirer.
Cette oeuvre clef de Jean Cocteau est un conte fantastique, un roman de poète dont le récit devient chant.
La chambre est un sanctuaire où l'on célèbre un culte à l'amour et à la mort. Il y a une prêtresse, il y a un trésor, il y a des victimes sacrifiées. Il y a envoûtement et malédiction.
Cocteau, Paris. Cela semble un pléonasme. Jean Cocteau est né à Paris, Jean Cocteau est mort à Paris, Jean Cocteau a été Paris. Son appartement du Palais-Royal était un des points de rayonnement de la ville, qu'il illuminait de ses pièces de théâtre et de ses films. Voici réunis en volume des textes aussi rares qu'enchanteurs sur la ville-poète :
« Comme les poètes, Paris est de toutes les villes du monde la plus voyante et la plus invisible. » Ce recueil est suivi de Notes sur l'amour inédites.
Une malédiction pèse sur les Labdacides, les rois de la ville de Thèbes : si Laïus et Jocaste ont un fils, il tuera son père et épousera sa mère. OEdipe n'échappera pas à son destin. Élevé par un berger, il ignore tout de ses origines et accomplira l'oracle après avoir affronté le Sphinx. OEdipe se crève les yeux de désespoir lorsqu'il apprend la vérité.
DOSSIER THÉMATIQUE : LES FANTÔMES PAR SOLVEIG HUDHOMME - Histoire de l'oeuvre, biographie de l'auteur - Une parodie de fantôme - Fantômes du présent : les années 30 - Fantômes de la psyché : les songes d'OEdipe et de Jocaste - Le dénouement, du fantôme au fantasme de l'artiste - La Machine infernale, une oeuvre fantôme ?
PROLONGEMENTS INTERDISCIPLINAIRES : - Histoire des arts - Psychanalyse.
Vocabulaire, exercices, groupements de textes et lecture d'images autour de l'oeuvre.
«Yvonne : La tête me tourne, j'ai fait une folie, une folie affreuse. J'ai fait...Michel : Parle-nous.Yvonne : Je ne peux pas. Je voudrais. Sauvez-moi ! Sauve-moi, Mik ! Pardonne-moi, Mik. Je vous ai vus ensemble, là-bas, dans le coin. Je me suis dit que je vous gênais, que je dérangeais les autres.Michel : Maman !Yvonne : J'ai perdu la tête. Je voulais mourir. Mais je ne veux plus mourir. Je veux vivre ! Je veux vivre avec vous ! Vous voir... heureux.»
«Antigone est ma sainte», disait Cocteau. C'est pourquoi il a traduit et «contracté» la pièce de Sophocle. «... Parce que je survole un texte célèbre, chacun croit l'entendre pour la première fois.»C'est dans Les mariés de la Tour Eiffel qu'on trouve la phrase célèbre : «Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être l'organisateur.» Sur la première plate-forme de la tour Eiffel évolue une noce bourgeoise, qui vient se faire photographier, tandis que deux phonographes commentent l'action. Une bouffonnerie qui exprime toute la déconcertante poésie du banal.
Les Écrits sur l'art rassemblent les articles, préfaces, hommages et études monographiques que Jean Cocteau a consacrés aux artistes qu'il a côtoyés et admirés. Notamment les principaux représentants de l'avant-garde, Gleizes, Picasso, Braque, Dalí, Delaunay, Modigliani, Dufy, Matisse, Lipchitz, Picabia, Man Ray et De Chirico ; tout en y incluant les femmes artistes actives en cette période, Abbott, Krull, Madame d'Ora, Laurencin, Lagut, Fini, Vautier.
L'ouvrage contient les éloges aux maîtres du passé qu'il a pris pour modèles : le Greco, le Douanier Rousseau, Watteau, Toulouse-Lautrec, Cappiello, Vermeer, Cézanne, Tiepolo, Rembrandt, de Vinci, Van Gogh, Morisot, Ingres, Delacroix ; ainsi que les témoignages de soutien aux jeunes créateurs qu'il a considérés comme des précurseurs dans leur domaine : Bérard, Harold, Bellmer, Clergue, Buffet, Mathieu, Moretti.
Ce volume montre comment Cocteau relie les différentes disciplines artistiques : le dessin, la caricature, la peinture, la décoration d'intérieur, le décor de théâtre, la mode, la photographie, la sculpture, la céramique et la tapisserie. Et révèle ses conceptions sur la création artistique en général, tout en livrant un panorama permettant de saisir l'évolution de l'esthétique dans la première moitié du XXe siècle.
Jean Cocteau La DiYculté d'être Cocteau le fabuliste, l'esthète, le moraliste. Un ludion, toujours partout et nulle part, insaisissable, virevoltant joyeusement dans tous les styles et tous les genres. Avec La DiYculté d'être se découvre un homme qui, mieux que beaucoup de ses contemporains, a éprouvé le sens du tragique. Confessions, anecdotes, réflexions sur les choses de la vie ordinaire, confidences sur l'époque, témoignages : autant de tableaux superbes qui composent les variations, à la fois graves et légères, d'une âme vagabonde.
« Je n'attache aucune importance à ce que les gens appellent le style et à quoi ils se flattent de reconnaître un auteur. Je veux qu'on me reconnaisse à mes idées ou, mieux, à ma démarche. Je ne cherche qu'à me faire entendre le plus brièvement possible. J'ai remarqué, lorsqu'une histoire n'accroche pas l'esprit, qu'il avait tendance à lire trop vite, à savonner sa pente. C'est pourquoi, dans ce livre, je contourne mon écriture, ce qui oblige à ne pas glisser en ligne droite, à s'y reprendre à deux fois, à relire les phrases pour ne pas perdre le fil. » Jean Cocteau.
« Qui ne voudrait posséder chez soi, mieux que l'anthologie qu'on doit ouvrir en tout trois ou quatre fois dans toute sa vie, ou qu'on ignore, qui ne voudrait vivre dans la compagnie de ce poème et de ce tableau, unis à jamais pour le plaisir des yeux et de la poésie ? » C'est dans ces termes que Pierre Seghers présentait en 1953 le concept du poème-objet dans Les Lettres françaises. Conjointement à la parution de Liberté j'écris ton nom (Eluard-Léger) Dentelle d'éternité (Cocteau) était alors tiré à cent dix exemplaires seulement, dont cent sur velin d'Arches.
Ce poème-objet se compose de deux feuillets superposés de 63 par 41 cm : sur le premier feuillet est inscrit le poème en vers libres et un découpage formant deux colonnes ajourées, laissant apparaître le fond bleu du second feuillet. Chaque exemplaire a été découpé à la main par Albert Jon, d'après le modèle réalisé par Jean Cocteau.
Oeuvre d'un artiste en tout point visionnaire, d'un esthète rétif à tout effet de mode, ce poème-objet offre, près de soixante-dix ans après sa parution, un design particulièrement graphique, incroyablement moderne.
L'histoire a traversé les siècles... Orphée a perdu Eurydice, mordue par un serpent. Pour la ramener sur terre, il n'hésite pas à affronter tous les périls de l'enfer. Une seule condition : lors de cette lente remontée vers le monde des vivants, il ne doit pas se retourner, ni regarder la bien-aimée.
Hélas !
Cocteau relance le mythe. Parmi ses personnages, quel est le plus envoûtant ? Cet Orphée, amoureux de sa mort qui va et qui vient à travers les miroirs ? La princesse qui transgresse les lois de l'au-delà pour l'amour du poète ? Heurtebise, le messager, qui apparaît et disparaît à volonté ?
Eurydice ? L'Intouchable, l'Invisible, l'Ombre ?
Dans un décor surréaliste où les vivants et les morts se côtoient, le film de Cocteau prolonge encore le mystère...
«En face, à quelque distance, on distinguait le bloc d'une patrouille ennemie.Cette patrouille voyait Guillaume et ne bougeait pas. Elle se croyait invisible...- Fontenoy ! cria-t-il à tue-tête, transformant son imposture en cri de guerre. - Et il ajouta, pour faire une farce en se sauvant à toutes jambes : Guillaume II.Guillaume volait, bondissait, dévalait comme un lièvre.N'entendant pas de fusillade, il s'arrêta, se retourna, hors d'haleine.Alors, il sentit un atroce coup de bâton sur la poitrine. Il tomba. Il devenait sourd, aveugle.- Une balle, se dit-il. Je suis perdu si je ne fais pas semblant d'être mort.»
Empruntant son sujet aux tragiques mystères des maisons d'Autriche et de Bavière, Cocteau met face à face une reine, veuve, vierge et déjà virtuellement morte, et son assassin, un jeune poète anarchiste venu pour la tuer, et qui est pour elle la mort qu'elle attend. Leur destin est donc scellé d'avance. Mais il se trouve que l'assassin est le sosie du roi tant aimé, et il ne veut tuer la reine que parce qu'il l'a de loin depuis toujours aimée...
«Mes censeurs me reprochent du brio, et mes approbateurs craignent que ce brio ne me nuise» : Cocteau était lucide sur la manière dont on percevait son oeuvre romanesque. Au reste, les six romans publiés entre 1919 et 1940 forment-ils une oeuvre, avec ce que ce terme suppose de cohérence ? On s'est plu à insister sur leur brièveté, sur la discontinuité des épisodes, sur la désinvolture de l'auteur à l'égard des détails censés donner au récit l'épaisseur du vécu et entraîner l'adhésion du lecteur. En somme, on a utilisé les critères d'évaluation du roman traditionnel pour estimer la valeur d'une oeuvre (car cette édition le montre bien, c'en est une) qui est d'une autre nature. Elle s'écrit dans un temps où les formes romanesques classiques sont contestées. Contre le roman, les surréalistes utilisent l'artillerie lourde : tir de barrage, puis de destruction. Les armes de Cocteau sont plus subtiles. Souvent, il paraît jouer le jeu du roman, mais il en modifie les règles. Le but n'est plus de donner aux personnages une illusion de vie. La manière prend le pas sur la matière, l'écriture sur l'histoire, la cohérence poétique sur la logique narrative. Cocteau range son oeuvre romanesque sous l'intitulé «poésie de roman». «Nos maîtres cachèrent l'objet sous la poésie. [...] Notre rôle sera dorénavant de cacher la poésie sous l'objet.» Conséquence : il faut aller au fond des choses pour percevoir l'unité indéniable de l'oeuvre. «Des critiques ont consacré d'aimables études au Potomak, sans voir son noyau. Noyau amer, à partir de quoi, jusqu'à sa surface, le livre se trouve fait par couches.» Dans la quête nécessaire du centre de gravité des romans, la poésie des images peut servir de guide. «Images» : réseaux de métaphores, mais aussi suites d'illustrations. Jamais Cocteau ne dissociera sa poésie de roman de la poésie parallèle des dessins. C'est d'un album que naît l'étrange Potomak, et les textes suivants seront presque tous accompagnés d'images. Non par souci d'ornement : les dessins font partie des livres. Et lorsqu'ils apparaissent «hors texte», ils proposent une relecture de l'oeuvre par son auteur, et permettent, à qui sait voir, d'en discerner le «noyau». Aussi ce volume leur fait-il une large place.
Une femme seule dans une chambre en désordre téléphone à son amant qui vient de la quitter pour une autre.
En partant de cette situation tristement banale, Jean Cocteau a écrit une mini-tragédie en un acte - un étrange monologue à deux voix fait de paroles et de silences - dans laquelle le téléphone joue un rôle essentiel.
Dans le temps, écrit Cocteau, on se voyait. On pouvait perdre la tête, oublier ses promesses, risquer l'impossible, convaincre ceux qu'on adorait en les embrassant, en s'accrochant à eux. Un regard pouvait changer tout. Mais avec cet appareil, ce qui est fini est fini.
Créé en 1930 à la Comédie-Française par Berthe Bovy, ce texte a également été joué et enregistré par Simone Signoret. Il a été mis en musique par Francis Poulenc et adapté au cinéma par Roberto Rosselini, avec Anna Magnani dans le rôle-titre.
Dans Folioplus classiques, le texte intégral, enrichi d'une lecture d'image, écho pictural de l'oeuvre, est suivi de sa mise en perspective organisée en six points :
- VIE LITTÉRAIRE : Les Années folles - L'ÉCRIVAIN À SA TABLE DE TRAVAIL : Le mythe revisité - GROUPEMENT DE TEXTES THÉMATIQUE : La figure du rebelle au théâtre - GROUPEMENT DE TEXTES STYLISTIQUE : La réécriture du mythe : de Sophocle à nos jours - CHRONOLOGIE : Jean Cocteau et son temps - FICHE : Des pistes pour rendre compte de sa lecture Recommandé pour les classes de collège.
Ce volume inaugure les oeuvres de Cocteau dans la Pléiade. En commençant ainsi, nous faisons plus que satisfaire à la chronologie : nous rejoignons l'esthétique de l'auteur, pour qui les arts qu'il a pratiqués - théâtre, dessin, peinture, cinéma - ne sont que des facettes de l'Art : la poésie. Cocteau la conçoit, et cela - en filigrane - dès son premier recueil, La Lampe d'Aladin, comme une quête incessante de joyaux enfouis, de messages brouillés. Très vite, cette quête deviendra un impératif - tyrannie des muses dans Plain-chant, puis de l'ange, dont la figure s'ébauche, avec Le Cap de Bonne-Espérance, dans celle de l'aviateur écrivant ses arabesques entre terre et ciel. La poésie, lieu de rencontre toujours entrevue, toujours remise, de deux mondes, lieu d'une vérité qui ne serait, peut-être, que l'étincelle née du choc de deux incompréhensibles. Promesse pour l'annonceur - ange à son tour de l'Ange «qui étouffe les vivants et leur arrache l'âme sans s'émouvoir» -, pour ce «mensonge qui dit toujours la vérité».Le volume, qui rend aussi hommage au dessin - de Cocteau, de Lhote, de La Fresnaye -, offre de nombreux inédits «En marge» des recueils, dans les Poèmes épars et dans les poèmes de jeunesse. Enfin, dans les versions primitives données dans l'appareil critique, on voit le poète se frayer un chemin dans l'exubérance des mots, de leur musique et de leur agencement.
On se rappelle l'éloge funèbre du personnage du Général, dans Les Mariés de la tour Eiffel : «Dès vos premières armes, vous avez fait preuve d'une intelligence très au-dessus de votre grade». On pourrait en dire autant de Cocteau, qui dès ses débuts d'auteur dramatique n'a raté ni Diaghilev, ni Picasso, ni Satie, et qui ne ratera ni le groupe des Six, ni Stravinski, ni les Pitoëff, ni Édith Piaf... - pour être complet il faudrait aligner des dizaines de noms, et parcourir près de cinq décennies : comme le Général des Mariés, Cocteau ne s'est «jamais rendu, même à l'évidence» ; jusqu'à la fin de sa vie, il a mis dans son oeuvre dramatique (sa «poésie de théâtre») tout le sérieux que les enfants mettent à leurs jeux. Il fut intensément de son époque, c'est peu contestable, mais il serait injuste de ne définir ce «fils de l'air» (titre de son dernier argument chorégraphique) que par sa sensibilité à l'air du temps. La mode ne l'intéressait que pour autant qu'il pouvait la détourner, voire la devancer - d'où le scandale de Parade, par exemple, ou cette teinture d'irrespect qui colore ses textes apparemment les plus classiques. Entre «difficulté d'être» et passion de vivre, le théâtre de Cocteau cherche une vérité indépendante de la réalité, libérée du temps historique. En le rassemblant en un volume, on ne dresse donc pas le portrait-souvenir d'une époque : on ressuscite des mondes.
«Lorsqu'en 1922 paraît en librairie Vocabulaire, Jean Cocteau a trente-trois ans. Il a précédemment publié deux recueils de poèmes, Le Cap de Bonne-Espérance (1919) et Poésies (1917-1920) contenant le Discours du grand sommeil, tandis qu'en 1919, dans Le Potomak, livre sibyllin, chaotique et d'un humour déconcertant, s'esquissaient quelques-uns des traits essentiels, mais ici brouillés encore, de l'oeuvre à venir. [...] Dans Vocabulaire, comme l'indique le titre, se poursuivent les recherches verbales apparues dès Le Potomak, continuées dans Le Cap de Bonne-Espérance et dans Poésies 1920 et menées ici plus systématiquement. Le recueil se compose principalement de pièces brèves, étincelantes, impressionnistes et, somme toute, expérimentales. Mais, un an après, dans Plain-Chant, sous l'influence de Radiguet qui lui a inculqué sa méfiance envers l'avant-garde, cette mode hautaine qui n'en veut pas être une, Cocteau brusquement vire de bord. Avec Plain-Chant (du latin planus cantus, nom donné au chant grégorien), poème unique et d'une seule coulée, bien que le rythme diversifié passe d'une allure à une autre, il quitte les jeux d'esprit du rivage pour gagner la haute mer de la passion...» Jacques Brosse.
Le Cordon ombilical, c'est celui qui relie le créateur à ses personnages le temps de l'élaboration d'une oeuvre, et qui doit ensuite être coupé pour que les créatures qu'il a engendrées, ses " fils ", comme il les appelle, vivent leur vie à eux, sur la scène où dans l'esprit des lecteurs, qui se les approprient et les modifient en retour.
Publié un an avant sa mort en 1962, Le Cordon ombilical est le dernier livre de Cocteau. Un texte à part dans son oeuvre où, dégagé de toute coquetterie, il s'interroge sur la création et répond au reproche de dispersion qu'on lui a adressé : " Il y a trente ans qu'on me cherche.
Veulent-ils me louer ? Ils me décrètent magicien. Je veux bien leur confier mon secret : je travaille. " Mais jamais ce livre, qu'on peut lire comme une sorte de testament, ne tombe dans le ton solennel. C'est par le biais de souvenirs, portraits, digressions (on croise Jean Marais, Édith Piaf, le boxeur Al Brown) que se développe la réflexion, mélange de gravité et de légèreté qui caractérise l'oeuvre de Cocteau à son meilleur.
Jean Cocteau Le Livre blanc et autres textes « Blanc. Non signé. Publié sans nom d'auteur. 1928, c'est encore une année d'hétérosexualité triomphante... Le Livre blanc est un texte léger, ludique... Ses images sont tranchantes comme une lame de couteau, pures de ce flou plus confortable qu'artistique, où se complaisent les truqueurs sans talent...
Homme de discipline, de rigueur, d'économie, malgré l'apparence du contraire, il faut voir en Cocteau un partisan de l'ordre. Les règles, il entend les respecter, seul moyen de ne pas se laisser duper par de faux-semblants. En écrivant Le Livre blanc, il a transgressé l'obligation du silence. L'unique réparation possible, c'est de ne pas le signer. Crier son homosexualité sur les toits serait une faute, non contre la morale, mais contre une loi du milieu... Un livre blanc, donc, où ne s'inscriront que des souvenirs, des images, des rêves, indépendants de l'individu qui les a recueillis. » Dominique Fernandez.
Eblouissant d'intelligence, enivrant de vivacité, délicieux de pittoresque.
Maurice Sachs.
Solaire, inventive, la poésie de Jean Cocteau, artiste aux dons multiples, est une ouverture aux autres et au monde. Pour découvrir ou redécouvrir la part d'une oeuvre à laquelle Cocteau était sans doute le plus attaché.
«Je connais le serpent qui est notre route, ce serpent enroulé autour du globe, pareil à celui sur lequel la Vierge pose le pied, ce démon de la curiosité qui nous pousse à quitter notre chambre, et nous y ramène, en fin de compte. À Paris, sa tête et sa queue forment la boucle du départ et du retour.» Pour fêter le centenaire de Jules Verne, Jean Cocteau et Marcel Khill, surnommé pour l'occasion Passepartout, projettent de partir sur les traces des héros de Jules Verne. Le journal Paris-Soir ayant accepté le projet, nos deux voyageurs constatent que ce périple, que Jules Verne fait faire à Phileas Fogg en 1873, n'avait rien perdu de sa difficulté soixante-trois ans plus tard, en 1936...
En 1523, en Allemagne, on couronne un paysan, Hans, qui sera, sous le nom de Bacchus, roi pendant sept jours. Il se lance dans de grandes réformes, se réclame d'un Christ révolutionnaire, ami du peuple, dont il soulève pourtant la colère. Il finit mal.En 1951, Cocteau, au sommet de sa gloire, et qui s'est imprégné des livres sur la Réforme et Luther, propose, par la bouche de son héros, une explication de l'univers, où la vérité apparaît comme la valeur suprême. À la scène, l'écrivain a toujours représenté un éternel suspect (lui-même ?), selon des procédés dramatiques éprouvés, jusqu'au meurtre final. Ici, l'actualité compte autant que l'Histoire, par les attaques contre l'Église catholique, les revendications ouvrières, le rejet radical de l'ordre établi, l'évocation du désarroi de la jeunesse. Bacchus est, avec La Machine infernale, la pièce la plus importante de celui qui peindra, à la chapelle de Milly, le Christ en croix et le Christ ressuscité.
«Depuis que définitivement le poète est devenu invisible, depuis que le cycle, tant de fois recommencé, de ses morts et de ses renaissances s'est pour nous brutalement refermé, et cette fois Jean ne s'est plus relevé de la couche sur laquelle, dans le Testament d'Orphée, il s'étendait, depuis que, cessant de le dévisager avec une amicale et indiscrète curiosité, pour savoir s'il ne portait pas un masque et ce qu'il y avait derrière, nous pouvons enfin, comme il le souhaitait, l'envisager, c'est-à-dire lui rendre ce visage que par malice et par pudeur il nous cachait, s'étonnant ensuite de n'être pas reconnu, et contempler ses traits en leur ultime sérénité, il n'y a plus de doute possible, sa vie, en apparence agitée, dispersée, à cause de ce besoin, né au fond d'une grande modestie, d'être sans cesse approuvé, de ce désir, véritablement compulsif d'aimer et d'être aimé, lui qui si peu s'aimait, sa vie, on le saura quelque jour lorsque se seront tus les bavards et les médisants, fut en son essence une aventure spirituelle et son oeuvre en demeure le fidèle compte rendu.» Jacques Brosse.