« Lirisme » s'écrit ici avec deux i : non, il n'y a pas de coquille laissée dans le titre.
Voici un livre de la lecture. Ni noms ni oeuvres : le parti pris de ces pages n'est pas celui de la réécriture ni du répertoire. Ce que Lirisme invite à ausculter de poème en poème, c'est une culture du livre, et son impact.
Ce néologisme, lirisme, propose donc de déplacer la question de l'ancien lyrisme avec y et sa nébuleuse romantique vers une théorie de la réception contemporaine.
Si l'instrument du livre chante encore, c'est une autre musique. Quel rapport se noue à l'auteur ? Comment entrer dans un livre ? Faire sien un récit ? S'identifier à un personnage ?
Même s'ils ont tendance à devenir plus rares et moins actifs, les microorganismes que sont les livres restent inscrits dans nos corps. Ces dispositifs offrent des formes de vies illimitées, aussi vastes, variées et vraies que fictives. Ils nous apprennent et nous parasitent. Ce sont de formidables distributeurs d'expériences.
« Écrire m'a appris à peindre ». Aurélie Foglia témoigne ici du dialogue qui s'est noué entre deux pratiques, écrire peindre, soit « peindre avec la langue ». Ces deux gestes se questionnent sans cesse, se croisent et se creusent, s'entretissent, se recouvrent, se révèlent et s'effacent réciproquement dans ces va-et-vient de verbes, « décrire peindre écrire dépeindre désécrire ».
Seuls sujets, suffisants, inépuisables, les arbres reviennent s'y déployer sur la page en regard des toiles. Ce qui s'engage avant tout, c'est une réflexion et un travail sur la main et sa manière : main qui « caresse les arbres », qui éprouve directement, sans « gants », le contact de la matière, du temps et des couleurs.
Un tel épanouissement, visible dans les trois premières « saisons » du livre, a connu son revers dans la vie. Il se trouve que la totalité des toiles a été détruite, par un homme alcoolique et violent, jaloux de cette part de création. C'est pourquoi Comment dépeindre, commencé comme une sorte de « journal d'ate/lier », et soudain forcé de prendre acte de cette catastrophe, devient, dans sa dernière saison, « un livre en deuil des images ».
Les questions qui se posent, concrètes et sociétales aussi bien qu'esthétiques, reconduisent d'époque en époque toute leur actualité, tristement haletante : quel espace fragile, trop vulnérable, accordé à la création féminine ? Comment dépeindre est un livre qui dit, qui crie la stupeur, le traumatisme, littéralement la sidération.
Grand-Monde est un livre tourné vers les arbres. Pourquoi écrire sur eux ? Parce qu'ils plantent un rapport, à la fois essentiel et fragile, à la nature. Ils donnent en silence les coordonnées de notre monde. Ces poèmes font la biographie des arbres, appelés « Ils » dans la première entrée, « Les Longtemps ». Ils s'y dessinent dans leur verticalité, collectivité vulnérable, accueillante et fermée. On les voit tenir à la lisière de l'humain. Ils poussent à l'orée de l'Histoire. Ce sont des relieurs. Ils persistent.
La femme, la mère, la fille, Dolorès : même personnage qui se sépare, se débat, va de l'avant. Naître et mourir, elle n'arrête pas. On la rencontre, on la reconnaît. Elle n'a pas de masque, elle commence à prendre un visage. Alors même qu'elle s'efface. On ne peut pas s'empêcher de la suivre.
Ceci n'est pas ma vie. C'est donc la vôtre. Je veux dire cette vie une et nue, ou plutôt ce moment obscur qu'est le dénouement d'une histoire, de toute histoire. Une autre commence, une histoire d'amour, qu'est-ce qui peut davantage rappeler à la vie ?
Ce n'est pas l'idéal. C'est mieux. C'est quelque chose comme la réalité, intense et banale, passionnante et décevante. Les objets aussi ont leur rôle à jouer, à défaut d'être humains. Le quotidien a son tragique. Si bien qu'on se retient à des riens, au fil des événements qui tissent la silhouette de quelqu'un.
Aurélie Foglia fait partie de la nouvelle génération de la poésie française. Gens de peine est son deuxième livre publié aux éditions Nous (Entrées en matière, écrit sous le nom d'Aurélie Loiseleur, a paru en 2010). Elle y mène une réflexion sur les noms propres, sur l'anonymat, sur l'acte de nommer, à travers un travail du vers précis et varié, d'où la dimension de jeu n'est pas absente. Ce livre atteste aussi d'un souci politique qui se fait poésie. Gens de peine reflète la société dans la page, enregistrant les tensions qui travaillent le couple de l'intime et du public, autrement dit du nom propre, mettons Jean, et du nom indéfini, Gens. Gens « est au singulier pluriel » : c'est, grammaticalement comme socialement, « la personne de l'évasif. Gens de peine ? : la masse de ceux qui existent, qui essaient d'exister plus, qui se débattent pour laisser leur marque, qui crient leurs noms et l'écrivent pour être sûrs, avant d'être effacés. Tous ces Gens « laissés au hasard / ne sont pas bien rangés ». Ils se forgent une image sociale, qu'ils l'imposent ou la reçoivent. Difficile de percer. Alors ils se battent. Ces Gens de misère « éteints jamais ne seront renommés ». Évidemment, ils tentent de réagir. Ils se parlent. Ils font ce qu'ils peuvent pour continuer à naître. À la fin, ils échouent. On peut comprendre. L'onomastique est une politique. Cette ethnographie n'a rien d'imaginaire. Bienvenue dans cet inquiétant microcosme trop connu.
Résumer sans caricatures l'histoire de la littérature du XIXe siècle, dégager des lignes de force, historiques et théoriques, tels sont les objectifs de cet ouvrage de synthèse qui embrasse un siècle riche et protéiforme.
Si l'auteur nous en offre une vision synthétique, c'est pour mieux suivre l'évolution des formes, et l'interaction entre Histoire et littérature.
Ce volume n'a pas de vocation polémique, même s'il pointe, à l'occasion, des querelles et des débats cruciaux : il se veut bien davantage l'exposition des évolutions qui marquent en littérature l'émergence de la modernité. Une initiation donc indispensable aux problématiques principales de la littérature au XIXe siècle.
Publié en 1953, Du mouvement et de l'immobilité de Douve d'Yves Bonnefoy est l'un des recueils de poèmes d'expression française les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle. Renouvelant profondément le champ poétique, engageant des enjeux nouveaux et inaugurant en particulier une période de la poésie qui cherchait à trouver des voies différentes de celles que le surréalisme avait privilégiées, ce recueil continue aujourd'hui de faire l'objet d'une grande attention de la part des poètes et des critiques. Si la poétique d'Yves Bonnefoy, qui se défie du concept et cherche à rejoindre, par le poème, la présence, est désormais bien connue, de grands spécialistes de la poésie du XXe siècle reviennent dans cet ouvrage au recueil lui-même, pour sonder la profondeur, les résonances et la portée de cette parole.
Pour décrire la lecture, et même la lecture de textes poétiques ardus, Mallarmé parlait d'une « transparence du regard adéquat ». Cette transparence, nombreux sont ceux qui l'ont ressentie en entendant Bertrand Marchal lire les textes de Mallarmé. Ses cours, ses éditions et ses essais ont rendu transparent ce qui pouvait paraître hermétique.Cette intelligence des textes, mise au service des étudiants, des chercheurs et de tous les amateurs de littérature, est le don qu'il a fait à ses élèves et à ses lecteurs - une communauté présente dans le monde entier. Ce volume entend le remercier et rendre hommage à son oeuvre d'éditeur et de critique.Le mot de « lecture » est celui que Bertrand Marchal a choisi pour le titre de son premier ouvrage publié, Lecture de Mallarmé, marquant par sa modestie et son honnêteté intellectuelle. Puisse son exemple être suivi par ce recueil d'articles en offrant des lectures respectueuses de la lettre et de l'esprit, des lectures qui, loin de faire valoir le critique, l'effacent au profit des oeuvres.
Avec les contributions de : Joseph Acquisto - Sophie Basch - Philippe Beck - Ramla Bédoui - Barbara Bohac - Éric Bordas - Régine Borderie - Michel Brix - Gabrielle Chamarat - Dominique Combe - Antoine Compagnon - Benoît de Cornulier - Michel Deguy - Béatrice Didier - Pascal Durand - Romain Enriquez - Aurélie Foglia - Georges Forestier - Yann Frémy - André Guyaux - Jean-Marc Hovasse - Jean-Nicolas Illouz - Romain Jalabert - Michel Jarrety - Filip Kekus - Juliette Kirscher - Kensuke Kumagai - Patrick Labarthe - Sylvain Ledda - Frank Lestringant - Dominique Millet-Gérard - Yumi Murakami - Michel Murat - Steve Murphy - Florence Naugrette - Roger Pearson - Nathalie Preiss - Éléonore Reverzy - Thierry Roger - Henri Scepi - Andrea Schellino - Thomas Schlesser - Julien Schuh - Évanghélia Stead - Jean-Luc Steinmetz - Jérôme Thélot - Alain Vaillant - Hélène Védrine - Vincent Vivès - Seth Whidden - Fériel Younsi.
OEuvre fondamentale de la poésie mondiale du XXe siècle, le Cahier d'un retour au pays natal, qu'Aimé Césaire commence à rédiger en 1936 et qu'il publie dans sa première version en 1939, vaste poème où prose et vers se côtoient, porte encore aujourd'hui des interrogations poétiques, éthiques et politiques décisives. C'est à la fois depuis son contexte et depuis des enjeux qui sont ceux du XXIe siècle que de grands spécialistes de l'oeuvre lisent ici ce poème majeur.